De la dystopie à la réalité…

Qui sont les gardiens du modèle* ?
Plutôt qu’une sorte de société secrète, il s’agit d’un pouvoir diffus à l’œuvre pour des intérêts convergents, sorte de consensus tacite entre groupes d’influence eux-mêmes parfois en concurrence. Ce pouvoir n’est donc pas dans les mains de quelques pilotes suprêmes, il est surtout entre celles de ceux qui ont un avantage à le maintenir. Tout opposant, aussi élevé qu’il soit, serait éliminé de fait s’il cessait de respecter les règles fixées par le modèle, car la mise en concurrence et la prédation sont des impératifs inhérents au modèle lui-même.

Les partisans du modèle créent des images, des messages ou des arguments qui favorisent leurs intérêts particuliers. Ces tactiques peuvent inclure l'utilisation d’erreurs logiques, de manipulations psychologiques, de pure tromperie (désinformation), de techniques de rhétoriques et de suggestions. Elles impliquent souvent la dissimulation d'informations ou de points de vue, la disqualification d'arguments, ou simplement consistent à détourner l’attention ailleurs. L'opinion publique ne peut s'exprimer que par les canaux qui sont fournis par les moyens de communication de masse, sans lesquels il ne peut y avoir diffusion des idées ou des opinions. L’avantage pour celles et ceux qui les contrôlent (y compris quand il s’agit de réseaux participatifs) est qu’ils peuvent exercer leur influence sans avoir à recourir à l'autorité ni à la
« bonne vieille méthode » des récompenses-punitions. Cette forme d’influence est redoutablement efficace, car elle ne malmène pas en apparence les valeurs d’autonomie et de liberté individuelle. Elle consiste à « faire penser à des publics ce qu’on veut qu’ils pensent, afin qu’ils fassent ce qu’on veut qu’ils fassent ».
  
Nos oligarchies déguisées en démocraties donnent apparemment le droit à la parole, mais qui la prend trop librement risque toutes sortes de représailles. Celles et ceux qui ne pratiquent pas assez l'autocensure consensuelle en font l'expérience à leurs dépens. En fait, ce que les élites du modèle recherchent à travers cette liberté apparente, c'est notre soumission docile et librement consentie…

*Le terme modèle pourrait être remplacé dans ce texte par « société néolibérale ». 

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